Odette et Paulette
Aujourd'hui, aux urgences, arrive Odette.
Odette a 91 ans et presque toutes ses dents, même si celles qui lui restent sont un peu cassées.
Odette vit en maison de retraite, et chaque matin à 9h, Odette va toquer à la porte de sa voisine (appelons-la Paulette) pour leur partie de Scrabble quotidienne.
Ce matin à 9h, Paulette attendait Odette, mais Odette n'est pas venue. Paulette s'inquiète, et décide de toquer à la porte de la chambre d'Odette. Pas de réponse.
Paulette pénètre dans le studio d'Odette et trouve celle-ci sur son fauteuil, somnolente, pas très fraîche (Glasgow 7, pour les initiés), toute habillée, son lit non défait.
En bonne copine, Paulette prévient les secours, le SMUR arrive, pif paf pouf, les voilà qui traversent le département toutes sirènes hurlantes et qui nous déposent Odette aux urgences.
A l'examen d'entrée, Odette se réveille tout doucement (Glasgow 11), elle respire bien, le coeur va bien, tout ça, mais elle est encore un peu dans les choux.
On lui colle une étiquette "suspicion d'AVC", et voilà en deux temps trois mouvements notre Odette scopée, perfusée, bilantée (on lui tire à peu près 300mL de sang en prélèvements sanguins divers et variés, veineux et artériels), partie au scanner cérébral, et roule ma poule.
En attendant, Odette continue à émerger.
Et un peu plus tard, tous les examens reviennent normaux.
Ah non, sauf un.
L'alcoolémie.
Un petit malin a eu la bonne idée de lui doser l'éthanol dans le sang, et voilà, on a trouvé, Odette est à 1,7g/L.
Odette n'a pas d'AVC, Odette n'a pas d'hémorragie intracérébrale, Odette n'a ni surdosage médicamenteux, ni sepsis sévère, ni vilain trouble métabolique.
Odette est juste bourrée. À 91 ans.
Encore fallait-il y penser.